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Florence Descamps, maître de conférence, anime un séminaire sur l’utilisation des sources orales en histoire contemporaine et plus généralement sur la constitution d’un patrimoine oral en France à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE). Elle a également dirigé et participé à la création de collections de témoignages oraux dans l’administration.

Qu’est-ce qu’une archive orale ?

Une archive orale est un témoignage oral conçu, produit, recueilli, conservé et archivé dans un objectif patrimonial, mémoriel, scientifique, pédagogique ou culturel.

Soit pour pallier la disparition de la documentation écrite soit pour la compléter et l’enrichir.

Quelle est la place aujourd’hui de la source orale dans le travail de l’historien ?

La source orale est désormais admise dans la discipline de l’histoire contemporaine (pour le XXe et XXIe siècles), à l’instar de la source iconographique, photographique, radiophonique ou audiovisuelle. Mais elle l’est à quatre conditions : le recoupement des sources orales et des sources écrites entre elles ; la critique interne et externe du témoignage oral ; l’étude des conditions de production des témoignages oraux et leur contextualisation, leur accessibilité et leur vérifiabilité, ce qui suppose leur dépôt dans une institution patrimoniale.

Quelles sont les problématiques et difficultés que vous rencontrez lors de la constitution d’un patrimoine oral ?

Persuader les institutions et les archivistes de se lancer dans les archives orales reste une entreprise aléatoire ; le financement durable reste la difficulté la plus fréquente, ainsi que la nécessité de constituer des corpus suffisamment nombreux, suffisamment polyphoniques et suffisamment rigoureux. La nécessité d’accompagner les témoignages oraux d’instruments documentaires n’est pas toujours comprise.

Quelle méthodologie enseignez vous dans votre séminaire pour l’exploitation des sources orales historiques ?

J’enseigne toutes les méthodes d’entretien (directif, non directif, semi-directif, libre, récit de vie, entretien thématique ou autobiographique, récit de carrière, etc.). Il n’y a pas qu’une seule méthode de questionnement pour les archives orales ; tout dépend des objectifs assignés à l’enquête orale.

Quelle est la particularité de votre méthodologie ?

Je pratique surtout le récit de carrière ou l’entretien thématique : le récit du témoin est toujours replacé dans son contexte historique et dans une chronologie multi-temporelle ; la part de questionnement biographique est toujours assez importante, même dans l’entretien thématique, et la chronologie nationale et sectorielle est très présente, en arrière-fond du récit individuel.

Comment préserver au mieux les archives orales, la technique n’est-elle pas la limite de la source historique orale ?

Les techniques d’enregistrement, de fixation, de transmission et de conservation techniques sont très évolutives, c’est une grande difficulté pour les institutions patrimoniales qui doivent conserver les appareils de lecture, d’écoute ou de visionnage et surtout numériser leurs collections en faisant « migrer » les contenus sur de nouveaux supports. La mise sur papier permet de contourner cette difficulté, mais elle exige le détour par la transcription, ce qui exige un lourd et coûteux travail et ce qui mutile le document oral. Entre deux maux, il faut choisir.

Vous travaillez à la constitution d’un patrimoine oral en France ? De quoi s’agit-il ? Comment cela va-t-il s’organiser ?

Je milite en effet pour la connaissance et pour la reconnaissance d’un patrimoine oral en France. Je plaide pour un patrimoine de la langue, de la parole et pour un patrimoine de la façon de dire et de parler. Ce patrimoine sera toujours fragile et moins valorisé que les autres patrimoines plus monumentaux et plus « solides » ; mais il n’en est pas moins important et très signifiant pour les familles, pour les individus, pour les groupes sociaux et pour les grandes organisations.

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